Saint Pierre, le premier des disciples de Jésus, celui qui fut appelé pour lui succéder et qui fut le premier des papes, est une figure historique, parfaitement ancrée dans la tradition chrétienne.Le rattacher à une tradition mythologique peut surprendre. Son personnage et les épisodes de sa vie, pourtant, n'ont pas manqué d'avoir été récupérés et réinterprétés par la tradition populaire. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé avec son trousseau de clefs à faire le guêt aux portes du Paradis. Et il a, sous cette casquette, inspiré bien des histoires. Mais ses attributions ne se limitent pas à ce rôle de concierge : on se souvient par exemple qu'il fut pêcheur de poissons avant d'être pêcheur d'hommes, qu'il tenta de marcher sur les eaux, qu'il renia Jésus avant que le coq chante, qu'il fut jeté en prison et miraculeusement délivré, et que c'est lui qui, en tant que pierre de fondation de l'Eglise, envoya des témoins prêcher la bonne Parole à travers le monde entier. Autant d'éléments qui ont fini par doter saint Pierre de traits incontestablement légendaires qui se sont enracinés dans les traditions locales et qui ont pu l'assimiler à certaines figures mythologiques.
Saint Pierre, église Notre-Dame de Villedieu-les-Poêles (50)
Nouveau Testament
- Pêcheur sur le lac de Génésareth (Tibériade).
- Le premier apôtre appelé par Jésus-Christ
La crucifixion de saint Pierre, église St-Pierre-de-la-Tour à Aulnay-de-Saintonge (17)
- Simon, avant de recevoir le surnom de Pierre.
- Père, Pé, Peyre ...
- "Prince des Apôtres", "Moïse de la Nouvelle Loi".
- Souvent associé à saint Paul qui, à la suite de Pierre, fonda la doctrine chrétienne et organisa l'Eglise à ses débuts : leurs statues sont régulièrement placées symétriquement en des points forts des sanctuaires, rappelant la formule consacrée : "les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul qui fondèrent et établirent l'Eglise".
- Assimilé, en tant que chef de l'Eglise, aux dieux suprêmes : Lug, Jupiter ou Thor.
Saint Pierre, chapelle St-Nicodème, en Pluméliau (56)
- Le 29 juin, en même temps que saint Paul : les feux solsticiaux de la Saint-Pierre remplaçaient en bien des endroits ceux de la Saint-Jean quand ils ne leur étaient pas associés.
- Le 1er août : Saint-Pierre-aux-Liens (ou -ès-Liens).
- Le 22 février, et aussi autrefois le 18 janvier : la Chaire-de-Saint-Pierre, qui rappelle sa primauté parmi les apôtres, et célèbre la suprématie dans l'Eglise du siège épiscopal de Rome.
Kephas en araméen, Petros en grec, c'est-à-dire "roc, pierre"
Saint Pierre : la remise des clefs et la libération des liens, église de Noyal-sur-Vilaine (35)
Aux environs de l'an 0, en Galilée (Capharnaüm ?).
Selon certaines versions, crucifié en l'an 67, à Rome, sur la colline du Janicule ou sur le futur emplacement du Vatican
Saint Pierre pêcheur, église de Thoury (41)
- Frère de l'apôtre André.
- Nombreux disciples qu'il aurait envoyés évangéliser le monde dès le 1er siècle, et notamment la France : saints Clair de Nantes, Clément de Metz, Eutrope de Saintes, Front de Périgueux, Martial de Limoges, Materne , Euchaire et Valère en Alsace, Ursin dans le Berry ...
- Fondateur de l'Eglise chrétienne.
- Protecteur des pêcheurs, des poissonniers, des fabricants de filets, des maçons, des forgerons, des serruriers et des horlogers, des moissoneurs et des vanniers (qui sont des "lieurs").
- Guérit la fièvre, la folie, les morsures de serpents, et l'application des "clefs de saint Pierre" (en fait des fers chauds) protège de la rage.
Saint Pierre et le coq, église de Loupiac (33)
- Chauve, avec parfois une touffe de cheveux sur le devant dessinant une tonsure (que les juifs d'Antioche lui aurait été imposée par dérision et qui aurait été perpétuée dans le clergé par esprit d'humilité).
- Barbe relativement courte et bouclée.
- En toge, puis revêtu des attributs du pape, avec la tiare conique ou la triple couronne.
- Attributs : les clefs, le coq, la barque, le poisson, la croix papale à triple croisillon.
- Foulant parfois aux pieds Simon le Magicien, ou Néron.
stpierre_topo.swf Mars Mullo
Tant que Jésus vit parmi ses disciples, Pierre figure parmi les apôtres et témoigne avec eux. Il se distingue essentiellement en ce qu'il est le premier d'entre eux, celui auquel Jésus confie la destinée et les clefs de son Église : "Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du royaume des morts ne prévaudront point contre elle." Quelques événements resteront attachés à son nom et continueront à le caractériser : la pêche miraculeuse et sa première rencontre avec Jésus : "Je vous ferai pêcheurs d'hommes" ; la marche sur les eaux : "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?" ; sa résistance lors de l'arrestation de son maître en coupant l'oreille de Malchus ; son triple reniement :"Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois" ... Tous ces faits sont rapportés dans l'Évangile et font partie du message que l'Église a transmis jusqu'à nos jours.
Ces épisodes sont porteurs de leur propre symbolisme. Celui de la pierre de fondation tout d'abord ; mais les traditions populaires retiendront surtout le mot "pierre", et ce sera parfois l'existence d'anciennes pierres sacrées - pierres naturelles ou mégalithes érigés par l'homme - qui induira des consécrations à saint Pierre, ces pierres païennes devenant ainsi des "saintes pierres". Celui de la clef ensuite : "Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux." Saint Pierre est de fait le plus souvent représenté avec deux clefs (d'or et d'argent, celles de la force spirituelle et de la puissance temporelle), parfois avec une seule (celle du Paradis), ou encore avec trois (celles du Ciel, de la Terre et de l'Enfer). Mais ce qu'on lui demande souvent de délier, c'est la fièvre, ou bien la rage (saint Pierre n'a-t-il pas mis en fuite les chiens enragés de Simon le Magicien, et n'est-il pas apparu à saint Hubert pour lui remettre les clefs ayant pourvoir contre ce mal ?) : on appose aux hommes ou aux bêtes enragées les "clefs de saint Pierre" (en fait un fer chaud).
La vie de Pierre après le départ de Jésus devient plus incertaine et n'a pas manqué de susciter des interprétations légendaires. Il accomplit des miracles : à Jérusalem, il ressuscite Tabitha et il guérit les malades au contact de son ombre. A Rome il déjoue les sortilèges de son homonyme, Simon le Magicien, le favori de Néron. Et il connaît à trois reprises la prison : emprisonné à Jérusalem par Hérode Agrippa, il est délivré par un ange qui brise ses fers ; emprisonné à Rome par Néron, il s'évade grâce à la complicité des geôliers qu'il a convertis. C'est alors que, fuyant les persécutions, il rencontre dans une vision Jésus portant sa croix. Et, à sa question "Où vas-tu, Seigneur ?", celui-ci répond qu'il va à Rome se faire à nouveau crucifier. Pierre comprend le message et retourne à Rome, où il est de nouveau incarcéré. Il y subira, avec saint Paul, le martyre : s'opposant, par humilité, à subir le même supplice que le Christ, il demande à être crucifié la tête en bas.
Rome conserve, entre autres reliques, avec ses clefs et sa chaire, les chaînes provenant de ses deux prisons (Jérusalem et Rome), qui se sont miraculeusement soudées ensemble. La libération de saint Pierre par l'ange reste un point fort de la légende. Elle justifie la consécration d'un certain nombre d'églises à "Saint-Pierre-aux-Liens", et elle se traduit par une fête spécifique le 1er août, qui confirme l'apôtre dans son rôle de lieur et de délieur ("Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux"). Or cette date parle aux mythologues, puisqu'elle correspond à l'ancienne Lugnasad, la fête du dieu Lug, qui ainsi a pu être perpétuée, d'autant plus que l'on trouve des églises Saint-Pierre sur d'anciens sites apparemment consacrés au dieu gaulois, comme sur le Montmartre de Paris ou à Lisieux. Elle s'inscrit également dans le calendrier agricole, puisque les moissonneurs, dont Pierre est le saint patron, sont eux-mêmes des lieurs de gerbes.
La célébration de la Saint-Pierre elle-même, le jour et la veille au soir du 29 juin, s'inscrit également dans le cycle des fêtes saisonnières. Elle se rapproche par bien des aspects (feux de joie, collecte d'herbes chargées de pouvoirs ...) de celle de la Saint-Jean. Van Gennep rattache ces deux fêtes à une possible survivance d'un "Cycle cérémoniel autonome du 23 au 30 juin" de la Gaule protohistorique, les feux visant à protéger par magie sympathique les récoltes et les bêtes des orages et incendies. Et ce cycle semble faire écho à celui des douze jours, qui lui est diamétralement opposé sur le calendrier.
On dit encore que saint Pierre a envoyé des disciples dans toutes les directions pour diffuser le christianisme, et il passe pour avoir évangélisé lui-même la Provence : les pêcheurs n'y prenaient pas la mer le jour de sa fête, et ils brûlaient symboliquement sa barque pour l'empêcher de repartir.
Jésus remet les clefs à Pierre, église de St-Fargeau (89)
Saint délivré de ses liens par l'ange, église de Besse (24)
Saint délivré de ses liens par l'ange, église de Besse (24)