Etablie en un point stratégique de passage de la Loire, la ville de Saumur se définit au départ comme un lieu de défense, symbolisé par l'antique truncus qui sera à l'origine du château. Elle se développe ensuite en gagnant sur les zones inondables et s'affirme comme une ville à la riche histoire. Récemment elle a regroupé plusieurs autres communes qui lui étaient liées historiquement, ce qui enrichit entre autres son patrimoine mytho-légendaire.
La Loire à Saumur
-Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Saumur
-Notice sur Notre-Dame des Ardilliers de Saumur, 3ème édition, Saumur, Imprimerie Paul Godet, 1916
-Anonyme, Histoire de l'origine de l'image et de la chapelle de la fontaine des Ardilliers-lèz-Saumur en Anjou, Saumur, André Hernault, 8 éditions enrichies de 1635 à 1715
-Histoire de l'origine de l'Image et de la chapelle de Notre-Dame-des-Ardilliers de Saumur, en Anjou/Saumur, chez de Gouy, 1715
-Marc SACHE, analyse des cartulaires de Saint-Florent
-Collectif, sous la direction de Hubert Landais, Histoire de Saumur, Toulouse, éditions Privat, 1997
-Pierre-Louis AUGEREAU, Les Mystères de l'Anjou : Le Saumurois et le Baugeois, Digne-les-Bains, Editions de l'Anjou, 1994
-Jean-François BODIN, Recherches historiques sur la ville de Saumur, ses monumens, et ceux de son arrondissement, Saumur, 1812-1813 - Rééd. Saumur, Dubosse et Godet, 1945 - Paris, Le Livre d'Histoire - Lorisse, 2003 (2 vol.)
-J.-B. COULON, Epoques saumuroises ou esquisses historiques et anecdotiques sur Saumur et ses environs depuis son origine jusqu'à nos jours, Saumur, Javaud, 1842 - Rééd. Marseille, Laffitte Reprints, 1977
-Père DEMYON, Histoire de ND-des-Ardilliers, Saumur, 1634
-Joseph-Henri DENÉCHEAU, Fantaisies archéologiques en Saumurois, 1995
-Joseph-Henri DENECHEAU, Archives du Saumurois/Saumur, chez l'auteur, 1998
-Joseph GRANDET, Notre-Dame Angevine, Angers, Imprimerie et Librairie Germain et G. Grassin, 1884
-Michel GRUET, Inventaire des Mégalithes de la France - 2. Maine-et-Loire, Supplément à Gallia-Préhistoire, 1967
-Dom HUYNES, Histoire de l'abbaye royale de Sainct-Florent près Saumur, manuscrit (Archives Départementales du Maine-et-Loire)
-Jacques LEVRON, Notre-Dame des Ardilliers de Saumur, Angers, H. Sirodeau & Cie, 1954
-Célestin PORT, Dictionnaire historique, géographique et bibliographique du Maine-et-Loire, J.B. Dumoulin, Paris et P. Lachèse, Belleuvre et Dolbeau, Angers, 1876
-Emile SAILLENS, Nos Vierges noires, Paris, Les Editions Universelles, 1945
-Anne-Gabriel VOISIN-THIBERGE, La Vie religieuse à Saumur au XVème siècle - Institutions, pratiques religieuses, économie, mémoire d'histoire de l'Université d'Angers, 1996-97
-Jean de VIGUERIE, Notre-Dame des Ardilliers, Paris, O.E.I.L., 1986
-Jacques PLOQUIN, Un pèlerinage marial angevin à l'époque moderne, Notre-Dame des Ardilliers à Saumur, mémoire de maîtrise, 1977
-Frédérique POIRAULT, La Confrérie de l'Assomption de Saumur, mémoire de maîtrise, 1978
-Le site Internet de Joseph-Henri DENECHEAU qui est une excellente introduction à l'histoire de Saumur : http://perso.wanadoo.fr/saumur-jadis/index.html
C'est dès les temps préhistoriques, du côté de Bagneux et en retrait des zones inondables, qu'il faut situer les premières implantations humaines.
La ville de Saumur proprement dite s’étend entre Thouet et Loire, sur un terrain autrefois marécageux, au niveau d'un long confluent avec la Vienne. On a beaucoup discuté, au fil des siècles, sur le cours réel de la Loire et sur son confluent avec la Vienne et le Thouet, avant que la levée de la rive nord ne soit définitivement fixée au XIIème siècle. Et de fait les crues devaient rendre le tracé improbable et changeant de saison en saison. L'on peut raisonnablement penser que toute l'étendue des terres alluviales de ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de « Vallée », du pied du château à l'Authion et au-delà, fut longtemps une proie possible pour ces eaux mouvantes et convergentes. Bodin situait l'ancienne embouchure de la Vienne aux Ponts-de-Cé, et celle du Thouet à Chalonnes.
Elle se trouve entourée de différentes hauteurs (le coteau qui formait un éperon émergeant au-dessus de l'actuel Fenêt et se prolongeant jusqu'au château et à Nantilly, Bagneux, Saint-Hilaire-Saint-Florent, qui constituèrent les premiers lieux d'implantation humaine.
Sa situation stratégique lui permettait de contrôler, de la position dominante du coteau, à la fois le trafic fluvial sur la Loire et, par des jeux de gués et de ponts successifs, sa traversée.
Le Thouet, à Bagneux
Le château de Saumur et l'église Saint-Pierre
- Au Xème siècle, Truncus, ou Vetus Truncus, le « vieux tronc » en référence à la forme du donjon, représentant le château initial.
- Meur-sur-Loire sur les tapisseries de saint Florent (attesté tardivement). Selon Bodin, le nom de Murus s'expliquerait par le fait que les habitats, troglodytiques, y « étaient pratiqués dans un rocher escarpé qui avait l'air d'un mur ». Le même auteur propose Saulmeur, « sous le mur », en référence au développement de la ville au pied des fortifications.
- Dampierre (Dom Pierre, autrement dit "Saint Pierre") fut en un temps connu comme Dampierre-des-Bois, puis du-Chemin en raison du passage du train, « le grand chemin », rejoignant Fontevraud. Il n'en reste pas moins que dès 1274, on disait « dou-Chemin », alors que les bords de la Loire étaient malaisément praticables du fait des crues, sauf en été. Relevons que cette association de saint Pierre (de la pierre ?) et du chemin se retrouve en divers endroits, comme par exemple à Dompierre-du-Chemin en Ille-et-Vilaine, à Saint-Pierre-du-Chemin en Vendée, ou encore à Paris.
Foulques Nerra, le « faucon noir », qui marque le XIème siècle local de son empreinte.
Le pont de Saumur bombardé pendant la dernière guerre (Archives de la Ville de Saumur)
- L'Assomption à Notre-Dame de Nantilly, important lieu de pèlerinages jusqu'au XVIIème siècle, avant que les Ardilliers ne prennent de l'importance en devenant, avec Chartres et Le Puy, l'un des lieux de France les plus fréquentés par les pèlerins, tout particulièrement pour les fêtes de Notre-Dame-de-Compassion (le vendredi précédant la Semaine Sainte), de l'Assomption et de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.
- La Confrérie de la Mi-Aoust se réunissait chaque année le 16 août, jour de la Saint-Roch et lendemain de l'Assomption, ou bien le dimanche suivant cette fête. Elle organisait alors un grand banquet, que l'on a pu interpréter comme la survivance d'antiques agapes funéraires.
- La Trinité était l'occasion d'organiser une quintaine au Chardonnet : les nouveaux mariés, à cheval, devaient introduire leurs lances dans un anneau.
Les suggestions concernant le nom de Saumur se sont multipliées, et les étymologies proposées restent conjecturales. Elles n'en manifestent pas moins, a posteriori, la nature du lieu.
- La première mention de ce nom (Salmurum) remonte à 958, et le nom n'a guère changé depuis. Les moines de l'abbaye l'interprètent en salvus murus, « le mur solide » ou « la muraille qui sauve », en référence avec la fortification protège leur précieuse relique, le corps de saint Florent, et cette idée, apparemment inexacte, perdure longtemps après.
- On peut lire dans sal/sala une racine pré-celtique désignant des marécages, ce qui s'expliquerait parfaitement à Saumur. Mais mur reste en ce cas indéchiffrable. Par contre Michel Roblin propose un senex murus, un « vieux mur », désignant un fortin de l'époque gallo-romaine. Mais cette hypothèse ne répond pas non plus à toutes les questions.
- Célestin Port suggère l'association du franc sal et du gaulois mur = "confluent" (comme dans Frémur).
- Bien que la question reste en suspens, on peut supposer, avec Joseph-Henri Denécheau, l'association des deux radicaux qui rendent le mieux compte du lieu, même s'ils sont de provenances différentes : sal, évoquant l'aspect marécageux initial des lieux, et murus, mettant en scène un hypothétique fortin du Bas-Empire dressé sur la colline du château, ce qui en ferait un « fortin du marécage », ou un « fort dans les marais ».
- A noter encore la mention d'un « Haut Mur » dans le Lancelot du Lac de Chrétien de Troyes, à 8 lieues galloises de Gaunes : « Cil chastiaus avoit non Hauz Murs et seoit sor la riviere de Loire mout en haut devers la Terre Deserte ».
- On a pu voir, en Nantilly, les racines celtiques nantos, « vallée » et ialo, « clairière ». Mais la première forme connue, Lentiniacus, postulerait plutôt pour un nom d'homme Lentinus. La tradition populaire y voit les « lentilles » dont un champ aurait livré la statue de la Vierge révérée dans cette église.
- De même il est coutumier d'interpréter les Ardilliers par des « argilières ». Mais ce terrain n'est pas particulièrement argileux, lieu supposé de la découverte de la pietà, et il semble plus juste d'y voir des ardilloria, un lieu envahi par les épines et les ronces.
- Le quartier du Fenêt était au XIème siècle une Villa Fanum. Faut-il y voir une allusion à un ancien temple ? Non loin se situait la villa Joannis, premier établissement de la ville, dédié à saint Jean, mais qui fut aussi écrit Villejouin, à travers lequel transparaît peut-être un Jovis, un souvenir de Jupiter.
- La ville de Bagneux fait référence à des bains gallo-romains.
La ville de Saumur elle-même, longtemps restée en zone inondable, ne propose pas de vestiges anciens. Par contre, les environs de Saumur, à l'écart des caprices de la Loire, - essentiellement sur les rives du Thouet et dans les abris du coteau et des grottes - abondent en monuments mégalithiques et en signes d'occupation néolithique, précédant une implantation gallo-romaine.
C'est à l'époque carolingienne que les établissements monastiques commencent à investir le site même de Saumur. La première trace qu'on en ait remonte à 848, année où Charles le Chauve fait donation aux moines de Saint-Florent du domaine nommé Johannis Villa ou Villa Joannis avec l'église et les appartenances Canciacus et Andilliacus (peut-être Chacé et le site des Ardilliers ?). C'est à la même époque, en 840, qu'aurait été fondée l'église Saint-Hilaire-des-Grottes sur les bords du Thouet, confirmant ainsi le processus de conquête des zones inondables.
Mais l'arrivée des Normands met fin à cette éclosion dès le milieu du IXème siècle. Peut-être est-ce de cette époque qu'il convient de dater le premier château, la première fortification sur la colline de Saumur : le truncus. La fondation de l'abbaye de Saint-Florent, d'abord sur la colline du château, vers 950, puis à Saint-Hilaire, en 1026, signe enfin la véritable naissance de la ville de Saumur.Et c'est la construction du pont sur la Loire, en 1162, seul point de passage entre Tours et les Ponts-de-Cé, qui confortera son importance stratégique.
La ville deviendra au XVIème siècle un des hauts lieux du protestantisme, ce qui n'a pas été sans incidence, par contre-coup, sur la continuité des cultes mariaux en cette ville et sur l'importance que prendra bientôt Notre-Dame des Ardilliers.
Le château de Saumur
La Petite Pierre Couverte de Bagneux
Les habitants de Saumur demandent à saint Florent de les débarrasser du dragon (tapisserie de la Vie de saint Florent)
La présence de marais implique régulièrement celle de dragons primordiaux qu'il est nécessaire de neutraliser. Ce fut le cas à Saumur, où saint Florent vint combattre victorieusement celui qui se nichait au pied du Fenêt. Et c'est peut-être aussi dans cette perspective qu'il faut regarder la présence de saint Hilaire, sauroctone, sur les bords du Thouet.La lutte contre le serpent maléfique va d'ailleurs s'incarner dans celle qui opposera les catholiques au pouvoir protestant. C'est bien ainsi que la présente Joseph Grandet: "Que ce soient un vrai serpent ou le hiéroglyphe de l'idolatrie detruite à Saumur par Saint Florent, Dieu avait déjà sanctifié ce lieu et a fait ancy connoître en ce tems là et au nôtre qu'il n'y avoit point d'asile assuré pour l'idolatrie ni pour l'hérésie dans un lieu ou la divine Marie étoit vénérée et invoquée ..."
De ses origines à la dernière guerre, on retrouve à Saumur le thème de la résistance contre le Mal, l'opposition entre l'énergie constructive et les forces obscures qui se tapissent sous les eaux.C'est ce qu'affiche le fronton de l'église Saint-Pierre-des-Marais : Firmior ex lapsu, "plus fort, rendu plus résistant par la faute, l'erreur". Et c'est ce qu'exprime la devise de la ville : Moenia fallunt hostem ; dextra domat tormentum, qui a été diversement traduite : « Les murailles en imposent à l'ennemi ; le courage dompte le canon », ou « Les murs mettent en échec l'ennemi ; le droit apprivoise les projectiles »... Tandis que ses armoiries, qui montrent le S de Saumur au-dessous des murs, pourraient évoquer la domination de l'antique serpent. A. Girouard, dans le numéro 74 du Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Saumur (n°74, juillet 1935 : "Historique du nom et des armes de Saumur") va plus loin dans l'argumentation :
" L'S, ou le serpent son analogue, est l'emblème mystérieux de la cité en même temps que l'initiale de son nom.
"Or suil est le nom de la lettre grecque en gaélique et dans divers dialectes celtiques, sili signifiant anguille (...), petit serpent, diminutif de anguis, serpent, on en conclut que le radical sil a dû aussi à l'origine signifier : un serpent."
Par ailleurs, l'auteur relève que mur, mursac en galélique désigne "l'herbe qui produit le pourpre", il en déduit qu'on peut traduire Suilmur par le "serpent rouge", ou "le serpent du champ rouge". Et il conclut que "tout confirme donc que ces armoiries remontent à la plus haute antiquité, les rois ou souverains n'ayant fait que les sortir d'une longue période d'oubli pour produire au grand jour des souvenirs parfois obscurs et confus".
La pierre de résistance, qui aussi peut s'effriter avec le temps, et l'eau qui défait, qui ronge, mais demeure néanmoins vivifiante, apparaissent comme deux thèmes majeurs pour la ville de Saumur : cette conjugaison de l'eau, et de la pierre sur laquelle on peut s'appuyer, se fait jour par exemple dans ce voeu exprimé par Messieurs les habitants de Saumur en leur Assemblée de ville du 30 avril 1615 : « ... se réjouissant qu'à leur ville Dieu ayt donné sy libéralement une telle forteresse [la Vierge], la remplissant de tant de dons et de bénédictions, qu'il ayt pris plaisir de la sanctifier, changeant la substance de la pierre en abondance d’eaux pour abreuver son peuple, et un rocher en fontayne d'eau-vive, et du cours doucement impétueux du grand fleuve inépuisable de sa grâce sans cesse arrosant cette cité ... ce quy faict qu'ils bénissent incessamment en ceste église de la fontayne de Notre-Dame-des-Ardilliers le Seigneur des fontaynes d'Israël. Plaise à sa divine bonté les arrouser de l'eau vivifiante de sa grâce, et continuer à les favoriser et combler de ses sainctes bénédictions, et les environner des murs inexpugnables de sa saincte protection, afin que l'édifice de son église y soit establi ... »
Historiquement le premier établissement monastique de Saumur (villa Joannis) était dédié à saint Jean-Baptiste ( on a avancé une dédicace à ce saint dès le IIème siècle), ainsi que la chapelle du château au Xème siècle, et cette dévotion au Précurseur est restée attachée à la ville, comme le souligne par exemple cet événement marquant que représenta, le 24 juin 1241, jour de la Saint-Jean, la tenue par saint Louis au château de Saumur, de la grande cour de la Nompareille. La chapelle Saint-Jean lui est restée attachée, et ce saint reste présent dans les églises Saint-Pierre et Notre-Dame-de-Nantilly qui expose une statue, et un bas-relief où on le voit prêchant dans le désert.
Et là encore, l'eau baptismale de Jean fait place à la pierre, et l'eau du puits de la source préexistant aux deux sanctuaires mariaux, font place à saint Pierre auquel sont consacrées tois églises.
Saint Florent domine le dragon (tapisserie de la Vie de saint Florent)
Sainte Tanche dans l'église de Dampierre
Sainte Tanche dans l'église de Dampierre
Philippe Gradinac, service communication de la mairie de Saumur
Archives Municipales de la ville de Saumur