Aux portes du Mans, Allonnes fut, de toute évidence, un important centre de culte gaulois, puis gallo-romain. Le dieu Mars Mullo, tout particulièrement, y était révéré. Mais on y priait aussi d'autres divinités, et peut-être une certaine déesse Alauna. Le temple fut désaffecté après le IVème siècle. Mais le site reste en quelque sorte sacré, puisque, sous le nom de « Marin » - autrefois « Marshain » -, le bois qui l'entoure célèbre toujours Mars, et puisque les vestiges ont été baptisés « Tour-aux-Fées » et que l'on y a situé l'histoire de la bien nommée Bella.
- Pierre Térouanne et Christian J. Guyonvarc'h, Ogam n° 72, décembre 1960.
- Pierre Térouanne, "Mullo, deus ou dea ?", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 81,avril-juin 1971.
- Henri Fromage, « Gargantua et le "meunier" », Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 52, octobre-décembre 1963.
- Henri Fromage, « Saint Martin meunier », Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 97, avril-juin 1975.
- Julien-Remi Pesche, Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, Paris, Bachelier, 1829-1842 - réimp. Mayenne, Joseph Floch, 1974.
- Bertrand Solet, Contes traditionnels du Val de Loire, ill. Jean-Claude Pertuzé, Milan, 1996.
Lieu de culte gaulois avéré dès le IVème siècle av. J.C., et bien probablement antérieure
Proche d'une importante cité gauloise, celle des Cénomans (aujourd'hui Le Mans, et à l'époque gallo-romaine Vindinum), le centre archéologique occupe la partie avancée de la commune, sur le flanc d'un promontoire dominant la Sarthe au niveau d'un ancien gué, sur une grande voie de communication. Un port permettait d'y acheminer matériaux et marchandises. Au sud et à l'ouest s'étend une plaine alluviale, en partie inondable.
- Allonnes, dans le Maine-et-Loire, où un site gallo-romain est également mentionné.
- Sablé, à une quarantaine de kilomètres, où l'on trouve une autre Tour-aux-Fées, site d'un important temple gallo-romain.
- Roger Vaillant relève la répartition des toponymes issus d'Alauna, qui seraient souvent liés à des prieurés bénédictins, ou bien à la présence de fées.
Patronage de la paroisse : saint Martin de Tours, ainsi que, comme le propose Pierre Térouanne (BSMF n° 81), sainte Barbe, peut-être par association avec le site de la "tour".
L'Assemblée se tenait le dimanche le plus proche du 11 novembre, jour de la Saint-Martin, et une autre assemblée au moment de la Sainte-Barbe (4 décembre).
Allonnes, Alaona, semble faire référence à une déesse des eaux, des sources, Alauna ou Alauina, attestée sur le territoire germanique, ou bien à une désignation de Mercure, Alaunus. C'est également le cas d'Allonnes dans le Maine-et-Loire, l'Eure-et-Loire et le Loiret, d'Aslonnes dans la Vienne, d'Allonne dans les Deux-Sèvres et l'Oise, de Launes dans la Charente, ou d'Allamps dans la Meurthe-et-Moselle.
Mais on peut aussi voir dans ce nom le celte al-aun, « près d'une rivière », ce que le site sarthois justifie pleinement.
La Tour-aux-Fées pourrait être, selon Pierre Térouanne, une « Tour au Fa », un fanum, en référence à la présence du temple.
A proximité de Vindinum, la cité des Cénomans (l'actuel Le Mans), le sanctuaire de Mars Mullo, à Allonnes, est un très ancien lieu de culte pour les Aulerques Cénomans . Les traces archéologiques d'occupation humaine y remontent au Vème ou au début du IVème siècle av. J.-C. et elles vont jalonner les siècles.
Diverses constructions s'y succéderont dans le temps, et le site sera fréquenté de façon continue jusqu'à la moitié du IVème siècle : les vestiges gaulois, datant de la Tène, en profondeur, précèdent le sanctuaire gallo-romain dédié à Mars Mullo qui est réédifié sous son ultime forme au IIème siècle.
Ce qui est resté connu comme « la Tour-aux-Fées est ce qui demeure de la cella circulaire de ce fanum.
La région est réputée avoir été christianisée par saint Martin de Tours, qui y aurait détruit un certain nombre de temples païens, et peut-être bien celui de Mars Mullo, qui se trouve effectivement abandonné alors qu'il évangélisait la région.
Le nom d'« Allonnes » apparaît sur une monnaie mérovingienne et son église est mentionnée dans la vie de l'évêque du Mans Hoël, au XIème siècle.
C'est à partir du XVIIIème que l'on commence à s'intéresser au site archéologique, et c'est au milieu du XIXème siècle que les fouilles seront véritablement entreprises. Celles-ci seront suspendues, puis reprises en 1953 par Pierre Térouanne qui révèlera le sanctuaire gallo-romain. Elles se poursuivront jusqu'à nos jours, révélant les niveaux successifs du site et cherchant à en découvrir les secrets.
Allonnes de nos jours s'est développée, aux portes du Mans, comme une importante cité d'habitations dont l'édification n'a pas pu se faire sans oblitérer bien des traces de l'Antiquité.
Au-delà de son ancrage historique, la présence des vestiges archéologiques et l'imprégnation des anciens cultes semblent avoir profondément marqué l'imaginaire local. Les découvertes d'objets antiques ont suscité certaines interprétations légendaires. La dévotion aux anciennes Fatae trouvent un écho dans le nom de la Tour-aux-Fées et dans les apparitions féeriques. Et le nom de Mars (et de Mullo) subsiste à travers certains toponymes, tandis que de façon évidente le patronage de saint Martin s'est substitué à celui du dieu Mars.
Le thème de l'enfermement de la jeune fille par son père dans une tour n'est pas sans rappeler certains personnages légendaires, comme Danaé, ou comme les saintes chrétiennes Barbe (présente à Allonnes à travers l'Assemblée qui la célébrait) ou Christine, ou encore des motifs de contes, tel "Le roi Dalmar", rapporté par Luzel dans ses Contes populaires de la Basse-Bretagne.
Indépendamment de sa connotation en rapport avec la beauté, le nom de l'héroïne, Bella, peut évoquer le latin bellum, "guerre", qui fut une des attributions de Mars, tout aussi bien que bellus, "bon, excellent". Mais il pourrait encore se référer à la déesse gauloise Belisama, parèdre supposée du grand dieu solaire Belen (dont la trace pourrait avoir été francisée dans le lieu-dit « Beau Soleil »).
Jean-Luc Sergent, mairie d’Allonnes
Reynald Lucas, Centre Allonnais de Prospections et de Recherches Archéologiques (CAPRA)