A peine débarqué sur la grève, qui alors était recouverte d'une épaisse forêt, Efflam se trouve en présence d'un terrible dragon qui gîte dans une caverne et qui, pour éviter d'être déniché dans son antre, a coutume, selon une méthode éprouvée dans le monde des mythes et légendes, de marcher à reculons, imprimant ainsi la trace de ses griffes à l'envers.
Ce dragon avait pour coutume de se faire livrer la veille de Noël, à la tombée de la nuit, des victimes de sang royal. Et le héros qui, tel saint Georges, se propose de l'éradiquer, n'est autre que le roi Arthur. Mais c'est en vain qu'il lutte trois jours durant contre la bête. Il faut l'arrivée providentielle du saint pour compléter son oeuvre.
On peut comprendre le combat qui met en présence le dragon, Arthur et Efflam comme une représentation de l'évolution historique qui a conduit des cultes primitifs et chtoniens (symbolisés par le dragon) au paganisme (le roi Arthur qui, dans la Vita, se présente comme un Hercule, ou comme un homme sauvage, massue à la main et revêtu d'une peau de lion) et enfin à la victoire du christianisme (saint Efflam).
Mais la question se pose : le dragon est-il vraiment tué, noyé, comme l'affirme la vie latine ? On peut en douter, si l'on compare cet épisode avec d'autres de même nature mettant en scène des sauroctones. Il est plus conforme à leur mission de subjuguer et d'emprisonner dragons et géants, de la même façon que le saint Michel de l'Apocalypse enchaîne Satan pour mille ans. Car les forces représentées par le dragon peuvent être utilement mises à contribution, elles participent de l'équilibre cosmique, et, s'il convient de s'en rendre maître, il faut bien se garder de les annihiler. Le dragon reste donc enfermé sous le Rocher Rouge, et la tradition orale suggère le moyen, l'enchantement auquel Efflam a recours pour l'y maintenir à l'écart du monde des hommes :
La bête furieuse demandait
Au prince Efflam ce jour-là :
- O, prince Efflam, dites-moi,
Que me donnerez-vous pour me distraire ?
- Une « musique » j'ai dans ma poche
Que je te donnerai pour te distraire
Tu sonneras avec trois fois par jour,
La nuit, le matin, à midi.
Saint Efflam et le dragon, église de Plestin