Même s'il appartient au même siècle que saint Léonard de Noblat, et s'il lui est parfois assimilé, le saint sarthois en est bien distinct : venu du Hainaut (il est né à Tongres), il arrive à Vendoeuvre vers 540 et, avec la bénédiction de saint Innocent, évêque du Mans, il s'installe dans le désert. Il y dédie un oratoire à saint Pierre, celui « qui lie et qui délie ». Sa vie exemplaire lui attire quelques compagnons provenant de l'abbaye de Micy, avec lesquels il forme une première communauté occupée à défricher les environs. Des envieux le dénoncent alors au roi Clotaire en l'accusant de détourner ses disciples des tâches qui leur incombent et ainsi d'appauvrir le royaume. Mais Clotaire, s'étant renseigné sur son compte, est convaincu de sa vertu et lui octroie des donations. A sa mort en 570, son corps est curieusement inhumé dans le lit de la Sarthe afin d'éviter la profanation de son corps. On rapporte également que son corps fut transféré dans la chapelle du château de Bellême. La légende fondatrice est ici celle de saint Léonard qui, alors qu'il prie, se retrouve enlacé par un énorme serpent venimeux qui cherche à l'étouffer de ses anneaux. Un de ses compagnons veut le délivrer, mais Léonard l'arrête d'un geste. D'un simple signe de croix il se libère, projette le reptile à terre et le tue. On dit que, depuis lors, jamais on n'aurait vu de serpent dangereux en ces lieux. Deux aveugles se trouvent guéris le jour de son enterrement, mais c'est surtout pour les maux d'oreille et la surdité qu'il est invoqué, et la mousse grattée sur son tombeau est avalée contre la fièvre. Il convient toutefois de s'attarder sur la vocation profonde des différents saints Léonard, souvent des personnages solitaires vivant dans la forêt : - Léonard de Saint-Léonard-de-Noblat (87), à qui la reine Clotilde dut une bonne délivrance lorsqu'elle ressentit les douleurs de l'enfantement lors d'une partie de chasse, et auquel Clovis accorda le privilège de délivrer les prisonniers. Il est ainsi devenu patron des prisonniers, également invoqué pour la délivrance des femmes en couches et contre l'aliénation mentale (on enchaînait les fous « à lier ») - Léonard de Saint-Léonard-en-Beauce (41), invoqué contre l'aliénation mentale, l'épilepsie et les troubles nerveux - Léonard du Pertre (35), étranglé par la chaîne de sa charrette - Lénard d'Andouillé-Neuville (35), qui creusait des ornières pour entraver l'avancée des charretiers jusqu'à mourir de la main de l'un d'entre eux qu'il avait décidé de désembourber - Léonard ou Liénard du Petit-Andelys, aux Andelys (27), invoqué pour faire marcher les enfants - Léonard ou Leodovald d'Avranches (50), qui était un fléau social mais qui, lui aussi, prêtait main forte aux charretiers embourbés avant de se convertir et de devenir évêque -Léonard de Reresby, en Grande-Bretagne, capturé par les sarrasins et miraculeusement libéré ... L'ensemble d'entre eux libèrent de liens contraignants et interviennent notamment pour délier les membres « noués », soulager les rhumatisants ou favoriser la marche des enfants, pouvoir que suggère la connivence entre les mots « lien » et « léonard » et que l'on retrouve avec les saints Liénart, Lié, Délié, Lénard, Yénart &"133; recensés par Jacques Merceron dans son Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux (Seuil, 2002). Marc Déceneux, à la suite de Bernard Robreau, voit dans ces saints des héritiers du dieu gaulois Ogmios, « champion régisseur des guerres et sombre magicien, maître de la sorcellerie des chaînes des liens et des lacets » et, au-delà, du dieu lieur indo-européen incarné en Inde par Varuna.
Allusion à saint Léonard dans l'église de Fresnay-sur-Sarthe