Très présent dans la tradition populaire des environs, Gargantua serait né à Plévenon, d'un nain et d'une naine, après une gestation de deux années. Ayant grandi, il faisait tourner du souffle de sa narine les moulins qui désormais restent immobiles quand il n'y a pas de vent, et il ne tarde pas, ici comme en bien des lieux, à s'affirmer, selon la formule d'Henri Fromage, comme un façonneur de paysages, une sorte de démiurge créateur : il laisse une empreinte de son pied dans le Bois de Meurtel, rase la forêt à coups de canne, dresse les falaises et forme le rocher du Caleufri en plantant sa canne dans la baie de la Fresnaye. Il fait une enjambée pour aller boire à Saint-Malo, et rejoint d'un pas Languédias, Dinan (puis Rennes et Paris), Jersey ou Guernesey (et de là se rend à Londres). Sur la traversée du retour, il avale la brume et la garde aussi longtemps que la baleine a gardé Jonas ; puis il la menace de recommencer s'il la revoit. Il abandonne ses sabots, grâce auxquels les habitants peuvent se chauffer pendant 30 ans, et une gravelle qui le gêne et qu'il rejette par-dessus son épaule va former en pleine mer le Mât du Cap, ou Amas du Cap. On retrouve aussi à Fréhel trace du thème des pierres sonnantes qu'Henri Fromage associe volontiers à la cloche et à celui de la tête/pierre du géant. Gargantua en découvre à Dinan, les avale dans le but de les emmener à Plévenon, et c'est à la Goule d'Enfer (au Guildo) qu'il les vomit. Gargantua est également réputé pour s'être retiré, à la fin de ses jours, dans la grotte maritime de Poulifée en compagnie d'une fée, sa marraine. L'Aiguille, également désignée comme Doigt ou Canne de Gargantua, est un menhir de près de 3 mètres de haut, qui pourrait, assez récemment semble-t-il, avoir été retaillé dans un but touristique. Il s'agit de sa canne restée fichée en terre après qu'il se soit penché pour boire ; il aurait ajouté dans le sens d'un mythe de fondation : « Tant que le monde sera monde, elle y restera. » A sa base on peut voir dans la pierre les empreintes des deux pieds (qui semblent avoir été creusées à une période moderne) et du bâton du géant, là d'où il aurait sauté (à pieds joints ?) vers les îles Ebihens, ou Jersey, ou Chausey. Cette pierre a été partiellement christianisée, le trou cylindrique de la canne présentant la forme d'une croix de Malte, et un petit autel ayant été ménagé dans une des pierres plates de la base. Une interprétation phallique de ce « doigt » géant n'est pas non plus à exclure. On dit aussi que ce mégalithe constituerait un mémorial dressé sur la tombe du géant et marquerait l'emplacement de sa tête enfouie sous la volumineuse Roche-Goyon, les pieds se situant sous Saint-Suliac, à 25 kilomètres à l'est. Il ne s'agit certes pas de la seule tombe assignée à cette figure qui semble être une divinité solaire des temps celtiques et/ou pré-celtiques, puisqu'on en signale plusieurs autres dans cette même région. On pourrait dès lors y voir un dispositif lié à un rituel de mort et de résurrection du dieu, rendant compte de la situation occidentale de la péninsule armoricaine.
L'Amas du Cap au large du Cap Fréhel