La longue grève qui s'étend, au pied de collines boisées, de Plestin à Saint-Michel-en-Grève, fut longtemps un lieu de passage obligé, à la merci des agressions de la mer et des hommes. Elle fut avant tout le théâtre d'un terrible combat contre un dragon que saint Efflam finit par confiner au large, sous les pierres de l'écueil Roc'h Ruz. Et les contreforts du coteau se souviennent de la vie exemplaire du saint qui y établit son ermitage et de celle de la princesse Enora à laquelle il se trouva marié bien malgré lui.
La Lieue de Grève
- Désiré LUCAS, Histoires et légendes de la Lieue de Grève, Centre Culturel de Plestin, 1986.
- Désiré LUCAS, Guide des promenades au pays de Plestin-les-Grèves, Centre Culturel de Plestin, 1979.
- Paschale GAULTIER et Michel PRIZIAC, Plestin les grèves - Les toponymes et le patrimoine, Guingamp, Patrimoines Buissonniers, 2003.
- Gwenc'hlan LE SCOUEZEC, Guide de la Bretagne mystérieuse, Tchou, Paris, 1966.
- Albert LE GRAND, Les Vies des saints de la Bretagne Armorique, 1636 - Quimper, J. Salaun, 1901.
- Paul SEBILLOT, Le folklore de France, Paris, E. Guimoto, 1904-1907 : « La mer et les eaux douces », rééd. Maisonneuve et Larose, 1968.
C'est à saint Gestin que l'on attribue la fondation d'un premier ermitage, qui se développera sous l'influence de saint Efflam.
La grève résulte de l'ensablement progressif d'une côte basse.
La chapelle Saint-Sébastien
Le Yaudet, un peu à l'est, à l'embouchure du Leguer, peut être envisagé comme un complément féminin de Plestin. Placée sous la protection d'une Vierge couchée (4246) qui prit la succession d'un culte à Cybèle, sa baie vit débarquer sainte Enora avant qu'elle ne rejoigne Efflam à Plestin. Sébillot relève également une légende y situant une princesse qui y aurait été séquestrée avec ses trésors au creux d'une grotte ; elle y dormira jusqu'à ce qu'un jeune homme soit assez courageux pour venir la délivrer.
Saint Gestin, église de Plestin
Plégestin (XIème siècle), Plistin en breton.
- Saint Efflam, sainte Enora, Arthur
- Saint Gestin (ou Justin) qui, revenant âgé de Rome, trouve Efflam dans son ancien ermitage et qui, déclinant son offre de demeurer avec lui, se retire plus loin, dans la solitude. Là s'élèvera une chapelle Saint-Gestin, à l'emplacement du futur bourg de Plestin.
- L'église est dédiée à saint Efflam et à Notre-Dame du Rosaire.
La baie du Yaudet, où débarqua sainte Enora
- Pardon de Saint-Efflam le dimanche de la Trinité.
- Pardons des saints Jagut, Haran et Roch en juin, saint Sébastien et sainte Anne en juillet, et sainte Barbe (en fait le plus important pour la paroisse) en août.
- Le pardon de saint Gestin se situait le quatrième dimanche après Pâques.
Plou Jestin, soit plebs, " église, paroisse (au haut Moyen Age) de saint Justin, ou Gestin "
Le site de Plestin était occupé dès la préhistoire, comme en témoignent des outils de silex et divers mégalithes.
C'est ensuite la tribu gauloise des Osismes qui s'y établit.
D'importants vestiges gallo-romains ont été découverts en divers endroits (« Les thermes du Hogolo »). C'est à cette époque que l'on peut faire remonter une interprétation, exposée par Joseph Peres, du mythe du dragon de saint Efflam. Une cohorte romaine, sous l'emblème du dragon, aurait établi son camp à Praevia, sur la route de Tréduder, ce nom désignant ou bien une trêve de saint Uder, ou bien le « pays du serpent ». De l'observatoire voisin du Grand Rocher, on pouvait surveiller l'approche des navires. Et dès lors saint Efflam, avec ses neuf compagnons représenteraient une flotte d'invasion, qui combat et soumet les dragonaires romains, avant d'expulser le magnat local incarné par saint Gestin. Désiré Lucas a d'ailleurs signalé une épée (on a aussi parlé d'une hache) gravée sous la dalle du tombeau du saint, ce qui le désignerait comme un guerrier. Son gisant d'ailleurs le représente couronné et porteur d'un sceptre.
La paroisse s'étendait autrefois sur l'actuelle commune de Trémel, qui s'en trouva détachée en 1838.
Les thermes gallo-romains du Hogolo
Notre-Dame de Trémel
Le gisant de saint Efflam dans l'église de Plestin
Comme le note D. Lucas, la « légende d'Efflam a rassemblé dans un flot unique la réflexion mystique d'un peuple charriant dans sa mémoire des croyances de tous âges ». Et sous l'apparence du saint chrétien, de l'ermite reclus, c'est un personnage plus rudimentaire et plus ambigu que l'on devine : une tradition le présente comme le fils d'une géante, la Vieille, qui, lorsqu'on lui apprend que son fils a avalé un bateau, laisse tomber les pierres qu'elle porte dans son tablier et donne ainsi naissance au Grand Rocher. Gargantua n'est pas bien loin, surtout que l'on signale aux environs de Plestin la présence de Rannou, un géant breton qui peut lui être assimilé.
Mais c'est le dragon qui, sans conteste, incarne ici la figure primitive. Il hantait la grève, en limite de forêt et de mer. Et c'est logiquement en rapport avec sa présence que l'on découvre, en bout de grève, et curieusement au niveau de la mer, l'église de Saint-Michel-en-Grève, dédiée au grand pourfendeur des forces sataniques, des puissances telluriques.
Le dragon, maîtrisé, est confiné sous le Rocher Rouge . Mais le monde souterrain, l'« autre monde » prend également, à Plestin, la forme d'une cité ensevelie sous la dune, ou, selon certains, sous le Grand Rocher que Dieu, n'ayant pas réussi à la punir en la noyant, aurait posée dessus pour la maintenir à jamais enfouie : une cité qui fut autrefois opulente mais qui avait par trop abusé de sa richesse et de ses pouvoirs. Le trésor royal en serait enfoui sous le Grand Rocher, et l'on peut y accéder tous les sept ans pendant la nuit de Noël, ou encore à la Toussaint, ou à la Pentecôte, alors que la montagne s'entrouvre momentanément : au premier coup de minuit, un passage permet d'arriver jusqu'au palais du roi. Dans la dernière salle se trouve suspendue la baguette de noisetier qui donne tout pouvoir ; mais il faut se hâter car, aussitôt le dernier son de minuit éteint, le passage se referme inexorablement jusqu'à l'année suivante. On dit que celui qui essaya l'aventure, se retrouva environné d'une troupe de filles plus splendides les unes que les autres, et, qu'oublieux de la cloche, il y resta prisonnier. Est-ce à la puissance de l'archange qu'il faut attribuer, dans la version de cette légende rapportée à Saint-Michel-en-Grève, la victoire de Jean Scouarn qui tenta lui aussi l'aventure et qui ensuite consacra la moitié du trésor ainsi conquis à la construction de l'église ?
Ce thème rejoint celui du passage vers l'autre monde, vers le royaume des morts, que Luzel entre autres met en évidence dans son conte « La fille qui se maria à un mort ».
(Ce conte, recueilli à Pluzunet, à une vingtaine de kilomètres seulement de Plestin, est publié dans Contes populaires de la Basse-Bretagne, tome 1 (Presses Universitaires de Rennes, Terre de Brume, Rennes, 1996). On y lit ce passage :
Il prit la baguette blanche donnée par son beau-frère et se rendit au bois. Quand il fut près du grand rocher, il frappa dessus deux coups en croix, et le rocher s'entrouvrit aussitôt, et il vit dessous son beau-frère, qui lui dit :
- Ah ! c'est toi, beau-frère chéri ? Je suis bien aise de te revoir ; mais, tu désires, sans doute, voir ta soeur aussi ?
- Oui, je veux vois ma soeur, pour savoir comment elle se trouve.
- Eh bien ! suis-moi, et tu la verras.
- Où ?
- Dans mon palais ; descend et suis-moi.
Le jeune prince hésitait à descendre dans le trou noir qu'il voyait devant lui ; mais l'autre reprit :
- Viens avec moi, et sois sans crainte ; il ne t'arrivera pas de mal.
Il descendit dans le trou, et ils pénétrèrent tous les deux profondément sous la terre, jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à un château magnifique ...)
Mais il ne s'agit sans doute là que d'un espace souterrain, que trahissent effectivement des vols de chauves-souris, et c'est surtout au large qu'il faut chercher la cité engloutie : le prolongement, selon certains, de la ville d'Ys, qui se serait autrefois étendue tout autour des côtes du Finistère : ne dit-on pas que, par les très grandes marées, on y voit poindre la croix rouge qui se dressait au sommet de son plus haut clocher ?
Plestin connaît bien d'autres traditions légendaires : Luzel signale une sirène au pied du Grand Rocher, et des kornandoned, des nains voleurs d'enfants nichaient dans une grotte sous Bag-ar-Forn ...
A noter encore, sur un autre registre, une guérison miraculeuse dans l'église de Plestin, devant la statue de la Vierge du Rosaire : une jeune fille de 25 ans, Marguerite Lucas, paralysée depuis sept ans, fut subitement guérie le 31 mai 1852. On la vit porter la statue en procession dès le dimanche suivant.
Saint Efflam et saint Enora sur la façade de la chapelle Saint-Efflam
Saint Michel terrassant le dragon, dans l'église de Saint-Michel-en-Grève
Saint Michel terrassant le dragon, dans l'église de Saint-Michel-en-Grève
Maurice Gouaislin
Malou Le Moal, conteuse
Daniel Dauvilliers