Situé au sommet d'une butte dominant la rive gauche de la Loire, Bouzillé se trouve au nord des Mauges, et à l'ouest du Maine-et-Loire, en une région qui fut longtemps une région de marches, une zone limite entre Anjou, Bretagne et Poitou. Cette position marginale ne l'empêche pas d'être une position clef, tout près du grand centre de dévotion mariale de Notre-Dame-du-Marillais Une tradition surtout le rattache à Gargantua en une légende dont l'apparente truculence n'exclut pas de riches développements. Elle en fait un haut-lieu mythologique, un "omphalos organisant un espace sacré" qu'a fructueusement exploré Pascal Duplessis.
La Butte de Bouzillé vue du chemin de Gateceau
- Pascal DUPLESSIS, « Des traces de Lugnasad dans l'origine de Bouzillé par Gargantua », Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 185 (1er trimestre 1997).
- A.-J. VERRIER et R. ONILLON, Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou, 1908 - Rééd. Genève, Slatkine reprints, 1970.
- H. CORMEAU, Terroir Mauges : miettes d'une vie provinciale - tome 2 : La Tradition, Paris, Georges Crès et Cie, 1912.
- Alfred POILANE, « Pourqué lés gâs d'Bouzillé n'ont point besouin d'fumer leurs vignes », L'Anjou vinicole n° 39, 1925.
Intéterminée, mais probablement préhistorique. Attesté vers 1100, sous le nom de Buzilliacus.
- A l'extrémité nord des Mauges, sur le rebord du coteau, dans une région traditionnellement viticole (muscadet).
Sur l'ancienne limite entre Anjou et Bretagne.
- Au sommet d'une butte dominant les anciens marais qui s'étendaient autour du Marillais et, au-delà, la vallée de la Loire. Au voisinage de Saint-Florent-le-Vieil et du Mont Glonne.
- Le ruisseau du Chaput, né sur la butte, partageait autrefois Bouzillé en deux.
Le sommet de la coupole de la chapelle Sainte-Sophie
- L'église Saint-Pierre-aux-Liens se dresse au sommet de la butte, et est visible de tous les environs.
- La chapelle du château de la Bourgonnière (XVIème siècle), à la limite de la commune du Marillais, se trouve sur une ancienne voie romaine. Anciennement dédiée au saint Sauveur, elle l'est désormais au Christ-Roi, et abrite un Christ habillé qui, sur la croix, fait figure de "roi triomphant". Deux souverains sont également présents dans la décoration : Charlemagne et saint Louis, tandis que le tau de saint Antoine et la coquille de saint Jacques attestent des cultes liés à deux dates diamétralement opposées dans le calendrier : les 20 janvier et 25 juillet.
- La chapelle Sainte-Sophie est une chapelle funéraire récente (1845) où reposent les membres de la famille de Gibot. Edifiée au sommet d'une butte, elle est symboliquement dominée par une couronne.
- Bouzillé est complémentaire des sites du Marillais et de Saint-Florent-le-Vieil.
- On peut aussi y voir une réplique de la butte de la Fribaudière, à La Pommeraye, où Gargantua mange ce qu'il évacuera à Bouzillé.
- La paroisse est dédiée à Saint-Pierre-aux-Liens dont la fête est le 1er août.
- Gargantua est, selon la légende, à l'origine du site.
- Charlemagne est réputé y avoir livré une formidable bataille contre les Bretons. Il a, suite à sa victoire, exempté certaines paroisses autour de Saint-Florent-le-Vieil, et en particulier Bouzillé, qui furent directement soumises à la juridiction de Rome.
- Un carnaval mettait en scène, jusqu'au XVIIIème siècle les thèmes associés de la défécation et de la consommation de boudins.
- En août 1988, la commune a remis Gargantua à l'ordre du jour à l'occasion d'une fête avec sortie d'un géant d'osier.
- Dauzat et Rostaing postulent un homme gaulois Bucilius, mais E. Nègre propose un rapprochement avec bucca : "bouche" ou "bouchée". Pascal Duplessis explore cette piste toute gargantuine qui nous mène de la bouche aux boyaux, et au mot d'origine gauloise bosa, "fiente, boue, bourbier", sans négliger la bouillie.
- L'étymologie populaire et facétieuse reste sur ce registre en accompagnant la défécation de Gargantua d'une constatation : "Bouse y est !"
Bouzillé est un ancien lieu d'occupation humaine, même s'il n'apparaît en tant que paroisse qu'au XIIème siècle.
Il s'agit en même temps d'un lieu chargé d'histoire de par sa proximité avec le Mont Glonne (Saint-Florent-le-Vieil ) et Le Marillais, et, plus récemment, avec la présence aux XV et XVIèmes siècles des châteaux de la Bourgonnière et de la Mauvoisinière.
Saint Louis, sur un vitrail de l'église
Pascal Duplessis s'appuie sur un récit légendaire qui a été recueilli et publié au début du XXème siècle, et qui montre le bon roi Gargantua venant au secours de ses sujets engagés dans un profond et violent litige : quelle est la ville qui peut se prévaloir d'être à égale distance d'Angers et de Nantes ? En bon géomètre, il pose un pied sur les tours de la cathédrale d'Angers, l'autre sur celles de Nantes et, baissant ses chausses, se soulage : il dépose ainsi, bien au centre, la butte de Bouzillé. L'exploit est d'ailleurs parfois attribué à sa jument qui, elle, avait deux pieds posés en chaque ville.
Il semble que le véritable centre coïncide en fait avec une croix de carrefour voisine, la Croix de Navarre, ou Croix de Mi-Voie, sur la commune du Marillais. Mais Bouzillé même se situerait exactement à mi-distance de deux sites plus représentatifs au niveau mythique : la cathédrale d'Angers et la Roche à Ballu, en aval de Nantes.
L'association de Gargantua avec un mont suggère un lien avec tous ces monts Gargan qui (notamment dans la Manche, à Rouen, en Savoie ou en Italie) ont été convertis en monts Saint-Michel. Et saint Michel se trouve effectivement représenté dans l'église. Qui plus est, cet archange de lumière, substitut de Gargantua, prend aussi volontiers le relais du dieu gaulois Belen, "le lumineux", que l'on devine dans la toponymie locale, ou de son équivalent Lug.
Ce dieu celtique, qui incarne la royauté, est effectivement bien présent ici. La paroisse est consacrée à saint-Pierre-aux-Liens dont la fête semble avoir perpétué, au 1er août, la célébration de la grande fête du Lugnasad qui, notamment en Irlande mais certainement aussi, sous une forme ou une autre, dans l'ancienne Gaule, consacrait la royauté. Une royauté qui se doit de garantir le bon exercice des trois fonctions fondamentales : le droit, la sécurité et l'abondance. Tel est bien le sens de l'action du "roi" Gargantua à Bouzillé : face à l'anarchie il établit la justice et définit un centre, il sépare les armées qui s'opposent, et il enraye la disette en fertilisant la terre.
Saint Michel, vitrail de l'église de Bouzillé
Pascal Duplessis, auteur de l'article du Bulletin de la Société de Mythologie Française qui a servi de base à cette rubrique