Dès l'époque gauloise, le site révèle, en remblais, une grande quantité d'armes, préfigurant en quelque sorte la dédicace du lieu à Mars, dieu romain de la guerre. Mais Mars - "Marspiter" - n'était pas seulement le dieu de la guerre ; il veillait tout aussi bien - et sans doute préalablement à toute autre fonction - à la fertilité des champs. Il se trouve assimilé en Gaule à tout un ensemble de dieux indigènes, protecteurs des groupes tribaux dans la paix comme dans la guerre, et il y retrouve sa vocation agricole de "Pourvoyeur", comme l'indique sa dénomination de Mars Smertrius qui l'apparente à la déesse Rosmerta. En fait le Mars indigène apparaît comme un dieu plurifonctionnel, patronnant aussi bien les sources et les sommets, le ciel et la fertilité du sol, l'abondance et la santé, la paix et la guerre. Il a été assimilé au dieu celte Ogmios et était connu dans l'Ouest sous le nom de Mullo, nom d'une divinité antérieure avec laquelle il se confond. Ce théonyme gaulois Mullo a interpellé les mythologues français. Robert Mowat, découvrant vers 1860 une première inscription à Craon, avait d'abord interprété ce nom en Mulio et en avait fait celui d'un dieu-mulet ou d'un patron des muletiers. Les découvertes ultérieures ont précisé qu'il s'agissait en fait de "Mullo". Cette désignation rejoindrait, selon Pierre Térouanne (BSMF n° 81), une racine *mul, désignant un tas arrondi, ou un amas considérable. Ce nom de Mullo pourrait dès lors se traduire par "tas", ou plus exactement "au tas", allusion possible au butin et aux armes que les Gaulois amassaient au lendemain d'une victoire et qu'ils se devaient de détruire en une sorte de rituel de purification guerrière. César note : « A ce dieu les Gaulois, au début d'une campagne, vouent tout ce qu'ils auront pris ; une fois vainqueurs ils immolent le butin vivant et entassent tout le reste dans un lieu. Chez beaucoup de peuplades on peut voir de ces tas, ainsi formés, dans des lieux consacrés. » (De Bello Gallico, VI,17). Christian Guyonvarc'h se réfère, de son côté, à l'irlandais mul, "tas conique" ou à mulos, "petite colline", et il suppose un radical gaulois mul-. Il s'agirait bien pour lui d'un "Mars aux tas de butins", sans exclure par association phonétique un "Mars des Muletiers", ni un "Mars le Rouge" (mullus). Pierre Térouanne rapproche aussi ce nom de notre mot "meule" et s'interroge si ce mot désigne en fait un deus ou bien une dea, ce qui nous rappelle que la fonction principale de Mars était peut-être de présider à l'agriculture. Une telle représentation du Mars celtique, garant de l'abondance de la tribu, serait conforme, chez un peuple refusant les représentations anthropomorphiques des divinités, à une des fonctions de ce dieu, ce qui en ferait un "Mars à la meule" Et Térouanne propose à ce sujet un rapprochement qui pourrait se montrer fécond avec une des dalles du dolmen de Gavrinis (56), provenant de la Table des Marchands de Locmariaquer, « en forme d'une meule sur les bords de laquelle on a même voulu représenter le hérissement de brins de paille dans le vent ». Henri Fromage, quant à lui, a exploré les thèmes sonores meul, mol, moul en relation avec le personnage de Gargantua, et il a notamment pu voir dans le Mont-Saint-Michel (le "Mont Tombe") un "tumulus" (mot employé par César pour désigner les amas de butin) : un "tas consacré à Mars". A part Allonnes, on lui connaît sous ce nom de "Mars Mullo" plusieurs autres dédicaces qui attestent de la popularité de ce dieu dans l'ouest de la Gaule : à Craon, dans la Mayenne, à Nantes et à Rennes où Mullo figure comme la divinité principale de la cité des Riedones.