Les mythologues travaillant sur le patrimoine français sont tout de suite alertés dès qu'ils se trouvent en présence d'un toponyme, ou d'un nom évoquant l'ancien dieu gaulois Belen/Belenos. Ce doit bien être ici le cas, devant ce personnage de seigneur aux moeurs brutales, mal dégrossies, qui se voit contraint de se mettre sous la protection de la Vierge. D'autant plus qu'il est également représenté s'élançant vers le ciel sur un cheval de nature apparemment solaire, qui répond au nom de « l'Oiseau ». Sire d'Averton, il s'est trouvé assimilé par la tradition populaire au Diable qui aurait eu l'intention, depuis la Roche Talonnée, de détruire la chapelle. Il n'est peut-être pas inutile, à ce sujet, de rappeler la présence de saint Michel à l'église paroissiale. Le personnage est en fait bien historique, le nom est attesté par les archives. Et cela ne remonte pas à une nuit des temps permettant toutes les réinterprétations, puisque c'est entre 1560 et 1666 que les Belin furent seigneurs du château d'Orthe. Mais A. Pottier peut longuement s'interroger sur la personne qui a pu jouer ce rôle, et sur l'exactitude des faits. Il faut faire la part de la réputation que le peuple et la rumeur peuvent entretenir autour des châtelains qu'ils voient vivre de loin. Et il semble évident que sur ce nom, porteur sans doute de traditions plus ou moins effacées, s'est reporté un fonds légendaire antérieur : la roche d'où s'élance le seigneur de Belin, en y laissant l'empreinte du pied de son cheval, n'était-elle pas déjà connue en 1460 sous le nom de « roche talonnée » ? Et sa formidable chevauchée dans les airs jusqu'à, au nord, son château d'Averton, semble bien recouvrir une tradition plus ancienne. Histoire et légende s'interpénètrent et fusionnent, et il est bien difficile de faire la part des choses. Le seigneur de Belin nous est montré doté d'une nature animale et emportée, au même titre que le taureau lui-même sur le tableau et la bête devient une extériorisation de sa nature réelle. Le taureau lui-même se situerait plutôt du côté des forces du bien, puisque c'est lui qui révèle la présence de la statue de la Vierge en léchant l'écorce de l'arbre et en engraissant sans prendre d'autre nourriture, selon un thème fréquent dans les traditions populaires. Par-cela la conversion et la mort du sire de Belin, son épouse elle-même prend une dimension mythique et sulfureuse, puisque, alors que son mari terminait sa vie dans la piété et la pénitence, elle est réputée avoir mené une vie dissolue, au point qu'à sa mort, des bruits étranges épouvantèrent les environs et qu'on la vit emportée par des chars de feu. Et, si l'on n'y prenait garde, on pouvait alors se voir entraîné à sa suite dans une cavalcade sans fin.
Image pieuse : invocation à Notre-Dame du Chêne